Au début, c’est facile. On est cinq personnes, peut-être dix : tout le monde tient dans un bureau, ou deux, ou un petit open-space.
Mais au fur et à mesure qu’on grandit, de plus en plus de personnes rejoignent le projet, ça ne tient plus : il faut se répartir dans plusieurs bureaux, voire plusieurs étages. La spécialisation des rôles en rajoute une couche : au début tout le monde travaillait de manière polyvalente, mais avec les recrutements chacun se voit rapidement assigner un seul domaine de compétence.
C’est souvent à ce stade qu’apparaissent les « plateaux » : les développeurs se regroupent ensemble, les gens du marketing également, le service client s’installe dans des bureaux séparés. À force de ne voir que les gens de sa propre équipe, les incompréhensions se multiplient, et les tensions montent.
Se répartir autrement
Chez Capitaine Train, ça se passait différemment. L’idée était de mélanger les personnes – et de maintenir dans chaque bureau un mélange de différentes équipes : service client, développeurs, marketing, produit.
Ça entraîne tout plein de bonnes choses. Discuter avec des gens différents de sujets qui ne sont pas les préoccupations directes de son équipe, déjà, c’est génial pour la communication : ça permet de se tenir au courant des sujets en cours, des préoccupations, de déminer rapidement les ragots et les bruits qui courent. C’est bon pour l’empathie : entendre les succès ou les frustrations du service client ou des développeur·euse·s met plus en phase avec les conditions de travail d’une autre équipe que la sienne. Et forcément, c’est efficace contre les clivages et les silos : quand on travaille au quotidien avec les gens d’autres équipes, la collaboration se fait naturellement.
Par exemple, dans mon cas, à une époque où je m’occupais de développement web, j’ai partagé plusieurs mois un bureau avec deux personnes du service client, un développeur tourné vers le marketing, et le CTO. Et forcément, ça nous a permis d’échanger sur plein de sujets que je n’aurais qu’à peine vu passer dans un environnement séparé.
« Ce midi, on bouge ! »
Concrètement, chacun·e choisit bien sûr dans quel bureau elle veut s’installer, et avec quelles autres personnes : le mélange des équipes n’est pas une règle coercitive. Il s’agit plutôt d’un encouragement à se regrouper par affinité et par diversité (plutôt que par équipe). Et en pratique, ça fonctionne suffisamment bien pour créer de la diversité.
Régulièrement une personne nouvellement recrutée va rejoindre l’entreprise. Et à ce moment, il peut être plus sympa pour la nouvelle recrue d’avoir à côté d’elle une personne de la même équipe, pour l’accueillir, discuter, répondre à ses questions, et la former les premières semaines. Dans ce cas, ce qu’on faisait généralement était d’installer une table supplémentaire dans un des bureaux, pour permettre à deux personnes d’être côte-à-côte.
Au fil du temps, ce regroupement des novices avec leur équipe peut conduire à re-créer une certaine concentration. Pour battre à nouveau les cartes, des employés ont proposé à quelques occasions une grande desk-swapping party. Le jour dit, à l’heure du déjeuner, les gens qui veulent bouger prennent leur ordinateur sous le bras, et vont s’installer où bon leur semble. C’est l’occasion de disperser des zones devenues trop homogènes, et pour ceux qui le veulent de rencontrer de nouvelles personnes.
« Oui, mais… »
Il se peut que ce fonctionnement semble inadapté à certaines équipes, qui discutent régulièrement à plusieurs, ou téléphonent fréquemment : le bruit serait pénible pour les autres. À mon sens, il n’y a jamais vraiment de raison d’embêter tout un bureau avec des appels téléphoniques ou des réunions, et cela que les équipes soient homogènes ou non. Des salles à l’écart, éventuellement insonorisées, sont bien plus pratiques pour ça – et permettent à tout le monde, bruyant ou pas, de se concentrer raisonnablement.
Et en tout cas, les bureaux mélangés ne nuisent pas à la cohésion des équipes, bien au contraire. Les membres d’une équipe donnée se réunissent de toute façon régulièrement, pour organiser leur travail : les occasions de se voir ne manquent pas. En revanche les occasions de sociabiliser avec des personnes d’une autre équipe sont plus rares, et être dans le même bureau permet précisément d’encourager cela.
Évidemment cela nécessite que les membres d’une équipe soient capable de travailler ensemble sans être dans le même bureau. Pour cela, notre habitude de communiquer par écrit en utilisant Slack nous a beaucoup aidé : elle permet d’obtenir ces deux niveaux de sociabilisation, à la fois au sein d’un bureau (avec les gens autour), et au sein d’une équipe (qui peut être plus ou moins dispersée). On retrouve là les avantages d’un environnement adapté au télétravail – qui finalement sert y compris quand on se trouve dans la même ville, ou au sein d’un même bâtiment.
septembre 13, 2017 at 5:20
Bonjour Pierre,
Suite à la lecture de ce blog et à notre besoin de réorganiser l’espace de travail pour accueillir deux nouveaux, nous avons choisi cette solution depuis une semaine. Pour l’instant que du positif donc merci beaucoup pour l’idée. J’aurai aimer échanger avec toi pour avoir plus de retour d’expérience. Aurais tu des infos/liens vers d’autres organisations ayant fait ce choix ?
Cordialement,
Gauthier
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septembre 13, 2017 at 6:20
Bonjour Gauthier,
Dans les entreprises connues qui ont poussé ce principe assez loin, on me souffle le nom de Valve. Eux ont carrément des bureaux à roulettes : ça permet aux employés de déplacer au gré des projets et des envies. Ils expliquent leur fonctionnement (et les idées derrière) dans leur Manuel du nouvel employé.
Et sinon, un Capitaine nous avait parlé d’une entreprise où il avait travaillé, qui fonctionnait un peu sur le même principe. À la différence que les desk-swapping-parties y avaient lieu tous les deux mois, et que dans mon souvenir les gens étaient assez fortement encouragés à y participer (alors que ce que j’ai pu vivre était plutôt « deux fois par an en moyenne, pour les volontaires »).
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septembre 14, 2017 at 9:46
Merci !
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